Quoi que ce soit, cela n’est pas mien (N’etam mama)
Quoi que ce soit, je ne suis pas cela (N’eso’ham asmi)
Quoi que ce soit, cela n’est pas mon ego (Na me so attā)
Il y a un sans naissance, sans devenir, sans création, sans conditions
atthi ajātaṃ abhūtaṃ akataṃ asankhataṃ
Les dictionnaires critiquent l’emploi de l’adjectif « mental » comme nom commun (à juste titre quand il désigne le moral, une disposition mentale, l’état psychique ou affectif), mais nous n’avons pas trouvé de mot plus approprié pour traduire le terme sk. manas (p., mano). Selon nous, sa traduction habituelle par un mot vague tel que « esprit » ne convient pas, car celui-ci ne rend pas bien la précision du sanskrit.
Esprit et mental ont des origines complètement différentes. Esprit vient du latin spiritus, souffle, air, respiration, qui a donné une profusion de sens : souffle divin, esprit de dieu, inspiration, âme, émanations volatiles, fluide vital, principe immatériel, être imaginaire, principe de la pensée, facultés ou capacités mentales propres à l’homme, intelligence, intellect, vivacité de la pensée, etc. L’adjectif « mental » se rapporte directement aux fonctions cognitives ; il vient du latin mentalis « qui appartient à l’intellect, à la saisie par les sens, à la faculté de comprendre », lui-même dérivé du nom commun mens, mentis dont le premier sens était « principe ou siège des activités mentales, des facultés de compréhension ou des fonctions intellectuelles ». Manas et mens viennent probablement d’une même racine I-E *men-, avoir une activité mentale (cf. le latin memini, le grec ménos, l’anglais mind, l’espagnol mente, etc.). Par malheur, le français a traduit mens par faculté intellectuelle, intelligence, raison, pensée, réflexion, etc., et a préféré esprit – sens chrétien de spiritus – pour exprimer le vieux sens de mens ! Ajoutons que esprit a des sens que manas n’a pas, comme dans l’expression « avoir de l’esprit », et qu’il est par trop chargé de croyances.
Manas désigne donc l’ensemble des fonctions cognitives ou intellectuelles et ne contient pas l’idée de souffle qu’on trouve dans esprit : du niveau conscient, il est le siège du vijñāna (sk.), la connaissance mentale, discriminative, commune. C’est pour suivre cette précision de sens que nous le traduisons par l’adjectif « mental », en en faisant un nom qui n’existe pas en français académique. Rappelons que le Dharma considère le mental comme un sens (il y a donc, en Dharma, six sens communs et non cinq) ; on dirait aujourd’hui que le siège de ce « sens mental » est localisé dans le système neuronal et synaptique du cerveau. Le mental a la particularité de connaître, outre son propre domaine – activités d’abstraction, idées, imaginations, réflexions, intuitions, raisonnements, etc. –, les domaines des cinq autres sens, qu’il supervise, goûte et... dont il peut jouir abondamment !