Quoi que ce soit, cela n’est pas mien (N’etam mama)
Quoi que ce soit, je ne suis pas cela (N’eso’ham asmi)
Quoi que ce soit, cela n’est pas mon ego (Na me so attā)

Il y a un sans naissance, sans devenir, sans création, sans conditions
atthi ajātaṃ abhūtaṃ akataṃ asankhataṃ


Le Centre d’Études Dharmiques et ses activités

Créé au début des années 1960 par un groupe d’amis « dharmacārin »[1], à l’initiative de l’Anagārika Prajñānanda, le Centre d’Études du Dharma ou Centre d’Études Dharmiques (C.E.Dh.) est une association de la loi de 1901 qui se consacre à l’étude et à la transmission du « Dharma du Bouddha ».

L’association ne revendique aucune appartenance et n’est rattachée à aucune modalité bouddhique particulière. Elle considère tous les « bouddhismes » comme des systèmes (-isme) qui occultent plus ou moins le Dharma avec des textes pleins de mythologie et d’histoires invraisemblables – perversion due sans doute aux temps, au besoin humain de merveilleux ou d’adoration et à l’incorporation de données culturelles des pays où le Dharma a été introduit.

Le Dharma originel est en effet une « voie métaphysique » de libération des conditions illusoires de l’existence, le support d’une ascèse dont le « but » (non but !) est l’abandon, la cessation, l’extinction du « moi illusoire », source de tous les maux humains, et l’accès à l’Inconditionné, l’Absolu. Mais il a subi une dégradation liée pour une grande part à « l’extériorisation », l’asservissement, illusoire mais croissant, des existences humaines aux conditions extérieures. Cette déchéance est visible par la difficulté, voire l’impossibilité d’obtenir des résultats subtils, d’atteindre des états élevés d’existence. L'affaiblissement métaphysique est si profond que les principales notions du Dharma, sans ego (anātman), Connaissance transcendante (Prajñā) et accès à l’Absolu, sont quasiment perdues aujourd’hui.

Par conséquent, se tenant soigneusement à l’écart des querelles, le C.E.Dh. fait sienne cette affirmation du Bouddha lui-même qu’il n’y a qu’un seul « vrai et pur » Dharma, clairement proclamé, compréhensible, vérifiable par l’expérience, effectif, à découvrir et à connaître par soi-même, en soi-même.

D’ailleurs, un « autre » Dharma, qui proclamerait l’illusion du « moi », l’hypothèse d’un Inconditionné, ainsi que la possibilité « d’accéder » (manière de dire !) à cet Absolu par l’éveil et le développement d’une Connaissance d’au-delà des phénomènes, et qui accueillerait, sans réserve ni exclusive, les sceptiques, c’est-à-dire celles et ceux qui ne peuvent pas croire ou qui peuvent ne pas croire en quoi que ce soit, alors, ce Dharma recevrait l’approbation pleine et entière du C.E.Dh..

Ainsi, en bons sceptiques, refusant toute proposition invérifiable et s’appuyant principalement sur la compréhension et l’expérimentation personnelles, les membres de l’association s’efforcent-ils depuis de nombreuses années de dégager un Dharma « épuré » et concis, le « noyau » de l’enseignement des Bouddhas, débarrassé de tout élément irrationnel, ne contenant que des propositions acceptables et pouvant servir immédiatement à une ascèse authentique, reposant sur la raison, mais pour aller au « transrationnel », puisque ce Dharma très subtil, au-delà de la dialectique, ne peut être correctement et tout à fait compris qu’en Prajñā, en Connaissance transcendante, en « prognose », hors de toute agitation neuronale et synaptique du cerveau.

Le C.E.Dh. offre le fruit de ce travail, c’est-à-dire les deux aspects indissociables de l’enseignement dharmique : l’exposition du Dharma et l’explication de techniques de « tranquillisation » (śamatha) et de « vue profonde » (vipaśyanā), notamment l’excellente Ānāpānasati « la Vigilance remémoratrice appliquée à l’inspiration et à l’expiration », qui donne la possibilité de s’exercer à ces deux divisions classiques de l’ascèse dharmique.

1. Exposer un Dharma sans irrationnel, acceptable, compréhensible et effectif.

Depuis sa création, le C.E.Dh. recherche et étudie les diverses Écritures bouddhiques, Sûtras, Suttas et exégèses, sans s’imposer, pour cette exploration, aucune limite de quelque nature que ce soit. Dans le respect et la compréhension des données fondamentales du Dharma, il a produit de nombreuses traductions de textes sanskrits ou pāli, dans leur intégralité ou par extraits significatifs, souvent assorties de commentaires. Afin de présenter un Dharma qui puisse servir immédiatement et efficacement à une véritable ascèse, ces versions écartent tous les éléments irrationnels, mythologiques, légendaires ou folkloriques qui encombrent les « originaux » et les rendent malaisés, voire impossibles à utiliser directement. De même, l’association s’appuie sans retenue sur les données de la science moderne et leur évolution (qui est constante et rapide !), dès lors qu’elles ne sont pas contraires aux fondements du Dharma et qu’elles peuvent corroborer les « vues » dharmiques contribuant ainsi à susciter l’éveil de la « Connaissance transcendante » (Prajñā) des lecteurs ou à la stimuler…

En écartant les aberrations sans intérêt pratique, il est possible de concentrer l’effort d’analyse sur les informations essentielles, contenues dans certains textes. Il s’agit, en s’appuyant sur les étymologies, la recherche des racines des mots, la comparaison des langues et la compilation des textes, d’opérer une « rectification des dénominations », afin de rendre aux mots-clés du Dharma une signification correcte, nette, sans ambiguïté, expressive et pratique au regard de l’ascèse, mais proche aussi de ce que l’on peut supposer être le sens originel dans des langues qui ont quasiment disparu. Cet effort n’a qu’un objectif : transmettre un Dharma acceptable à celles et ceux qui peuvent s’y intéresser et les guider efficacement dans leur ascèse, s’ils ont décidé de suivre la « Voie dharmique ».

L’enseignement proposé insiste donc sur la compréhension, qui doit être précise, claire, sûre et complète. Selon le Dharma, cette compréhension s’opère en deux niveaux ou degrés de connaissance. En premier lieu, il y a le vijñāṇa, la « connaissance discriminative » (vi- « séparation, distinction », jñāṇa « connaissance pratique, théorique »), connaissance commune, mentale, issue du fonctionnement neuronal et synaptique du cerveau. Discursive, rationnelle, cette connaissance fait découvrir, étudier, comprendre et apprendre dialectiquement les mots, les expressions et les notions du Dharma, dont beaucoup n’ont pas d’équivalents exacts dans les langues occidentales modernes. Cette étude, le travail de réflexion qu’elle suscite peuvent donner de multiples occasions d’« éveiller » le second et principal niveau de connaissance, éclairant, guidant le vijñāṇa et facteur de compréhension profonde, source de libération, la Prajñā « Connaissance transcendante » ou « Intuition métaphysique », qui sommeille plus ou moins en toute existence humaine. Éveillée par « accident », pourrait-on dire, à l’occasion d’un événement quelconque – rencontre, lecture, ouïe de « propos dharmiques », étude, réflexion, etc. –, cette Connaissance suprême, qui fait « connaître et comprendre » l’au-delà des mots et des expressions, qui fait « Voir les choses telles qu’elles sont », peut être favorisée par les techniques de l’ascèse dharmique. Au plus haut, « allée complètement au-delà », elle conduit à l’abandon, la cessation, l’extinction du « moi illusoire » et fait ainsi « accéder » à l’Absolu, l’Inconditionné, véritable remède complet et définitif à tous les maux humains…

2. Transmettre une technique favorable à l’éveil et au développement de la Connaissance transcendante (Prajñā) :

Les textes bouddhiques exposent de très nombreux sujets de « méditation » censés développer les « forces » d’Éveil (Bodhi), notamment la Connaissance transcendante (Prajñā), qui, par la Vue de l’illusion des phénomènes, doit conduire peu à peu à « l’abandon total » (pratiniḥsarga) de tout phénomène, quelque subtil qu’il soit, donc du « moi », extinction qui est le remède à tous les maux des humains.

Il convient de préciser avant tout que le mot « méditation » convient mal pour traduire le sanskrit bhāvanā, qui est mieux rendu par « développement, action de faire devenir, entraînement ».

Le C.E.Dh. enseigne Ānāpānasati (sanskrit : Ānāpānasmṛti), technique reine qui, dit-on, aurait conduit le Bouddha à son Éveil (Bodhi).

La traduction courante d’Ānāpānasati en français par « attention à la respiration » est insuffisante. Elle vient probablement de la traduction anglaise de sati par mindfulness. Mais sati (sanskrit : smṛti) est beaucoup plus que l’attention et, sans une pleine compréhension de ce mot très important pour l’ascèse dharmique, l’entraînement ne peut mener qu’à la sclérose : on fait « très attention », aux corps, gestes, sensations, activités mentales, états de conscience, etc., mais cette attention, même très puissante, très soutenue, ne reste que du niveau conscient, sans efficacité sur les deux autres modes de l’existence : le subconscient et le surconscient.

Le mot sanskrit smṛti (prononcer smriti) vient de la racine SMṚ- « se souvenir, se remémorer, avoir présent mentalement », qui a donné en grec mirimua « se préoccuper de, se soucier de, s’intéresser à », martur « témoin » (cf. « martyr » !), et en latin memoria « mémoire, souvenir ». Il s’agit donc, non seulement d’appliquer son attention au cycle respiratoire, mais encore de se « remémorer » constamment les données du Dharma, la Connaissance transcendante (Prajñā), la vacuité-telléité (śūnyatā-tathatā), les trois caractéristiques des phénomènes : impermanence (anitya), malheur (duhkḥa), absence d’essence, absence de « moi » (anātman), etc. La notion de smṛti-sati est donc la clé de la pratique d’Ānāpānasati et, en fait, toute l’ascèse du Dharma repose sur elle.

Faute d’un correspondant exact, nous avons adopté « vigilance remémoratrice » pour traduire ce mot si important et, comme nom de la technique, « Vigilance remémoratrice appliquée à l’inspiration et à l’expiration ». L’expression est lourde mais de sens complet et « vigilance » rend bien mieux que « attention » l’idée d’énergie, de vigueur que contient smṛti (vigilance appartient à la famille des mots issus de la racine indo-européenne *weg- « vigueur », en germanique waken et en allemand wachen « observer, guetter, monter la garde », en latin vegere « être vif, ardent », vigilare « être éveillé, attentif », vigilia « veille », en anglais to wake « être éveillé », to watch « surveiller », etc. Ces renseignements sont tirés, pour partie, du Dictionnaire étymologique du français, par Jacqueline Picoche, aux éditions Le Robert, collection Les usuels du Robert).

Prenant donc comme point de départ, comme « fil d’Ariane » de la « Vigilance », une observation subtile du souffle respiratoire, cette technique est relativement facile. Contrairement à beaucoup d’autres, elle ne nécessite aucun artifice matériel : on a toujours avec soi le souffle, que l’on peut « rappeler » à tout instant pour maîtriser les pulsions de désir, d’animosité ou d’aveuglement. Certaines techniques ne sont pas sans danger, ce n’est pas le cas d’Ānāpānasati, que l’on peut « pratiquer » longtemps sans fatigue. Elle est réputée bien convenir aux mentalités vives et agitées des Occidentaux. Elle est une des rares à permettre de s’exercer aux deux divisions de l’entraînement dharmique : śamatha, la tranquillisation du corps et du cœur (citta), qui est favorable à la seconde et la plus importante, vipaśyanā, la « Vue » des choses telles qu’elles sont, « vision transcendante » par la Prajñā, la Connaissance transcendante, dont Ānāpānasati peut favoriser le « surgissement ».

[1]Est dharmacārin (prononcer « dharmatcharine ») celui ou celle « qui va, qui chemine selon le Dharma », du verbe CAR-, carati « aller, se mouvoir, marcher... »


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