Quoi que ce soit, cela n’est pas mien (N’etam mama)
Quoi que ce soit, je ne suis pas cela (N’eso’ham asmi)
Quoi que ce soit, cela n’est pas mon ego (Na me so attā)
Il y a un sans naissance, sans devenir, sans création, sans conditions
atthi ajātaṃ abhūtaṃ akataṃ asankhataṃ
Chacun d’entre nous dispose en naissant d’un jardin. Et tous ces jardins sont différents. Les uns, vraiment très laids, ne montrent que ronces, mauvaises herbes, tas d’ordures et de gravois ; de rares fleurs y poussent, chétives, sans parfum. D’autres sont moins repoussants, avec davantage de fleurs, plus belles, plus parfumées, mais on y trouve encore beaucoup d’immondices et d’imperfections.
Les jardiniers aussi sont très différents. La majorité ne se préoccupe guère de son jardin et s’en accommode par habitude. On ne le voit pas tel qu’il est (beaucoup même ne le voient pas du tout !). Certains sont « charmés » par les détritus et les tessons qui brillent au soleil. Quelques-uns, conscients de sa laideur, ne le supportent pas en l’état. Alors, ils plantent ici et là des fleurs artificielles pour cacher les horreurs. Hélas, ces fausses fleurs vieillissent mal, elles se décolorent, leur parfum synthétique s’évapore ou se gâte ; on doit sans cesse remettre des couleurs sur les fleurs passées et les asperger de parfums neufs. Mais, tôt ou tard, elles tomberont en ruine, comme les autres…
Un petit nombre de jardiniers n’admet qu’une solution : nettoyer à fond le jardin. On commence par le plus gros, le plus visible, les tas d’ordures, les tessons, les gravois. Puis c’est le tour des mauvaises herbes, ronces, chiendent, orties, liserons… Le travail est long et difficile, certaines plantes sont faciles à extirper, d’autres ont des racines profondes, résistantes, et qui repoussent vite. Enfin, à force de persévérance, il ne reste plus qu’une faible pousse ici ou là et l’on va bientôt pouvoir planter de belles vraies fleurs dans un jardin bien propre !
Mais il se peut qu’au cours de leurs travaux, ces sages jardiniers « Voient » en un éclair qu’il n’y a jamais eu… ni jardin… ni jardinier !
Commentaire :
Le jardin, c’est ce que l’on apporte à sa naissance, physiologiquement et psychologiquement, beauté ou laideur, intelligence ou stupidité, etc., par son capital génétique, et, dans l’hypothèse bouddhique, par son « karma ».
Les fleurs artificielles, ce sont les « compensations », ce que l’on plaque sur les choses, tout ce qui peut conforter le « moi », fût-ce en souffrant, par exemple en s’infligeant des « pénitences » : religions, philosophies, systèmes politiques, arts, amitiés, amours, etc.
Nettoyer, rénover le jardin, c’est entreprendre une ascèse pour éteindre le « moi ». Lorsque l’ascète a compris en « transcendance » l’ordre-désordre des choses, il peut vivre sagement, en lokiya Prajñā, la « Connaissance transcendante mondaine ».
Mais certains, arrivés à ce point, en une « Connaissance transcendante d’au-delà du monde » lokottara Prajñā, « Voient » le jardin et le jardinier comme des illusions
(1).1. Cette parabole du jardin est rapportée par le Docteur Hubert Benoit, mais elle est poussée ici jusqu’au point ultime.
(Extrait de l'ouvrage Propos bouddhiques remarquables, publié avec l'aimable autorisation des Editions DHARMA, 60 rue des Moulins - BP 30 - 85580 Saint Michel en l'Herm)