Propos Dharmiques

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Quoi que ce soit, cela n’est pas mien (N’etam mama)
Quoi que ce soit, je ne suis pas cela (N’eso’ham asmi)
Quoi que ce soit, cela n’est pas mon ego (Na me so attā)

Il y a un sans naissance, sans devenir, sans création, sans conditions
atthi ajātaṃ abhūtaṃ akataṃ asankhataṃ


Le bourbier

Ce monde est pareil à un bourbier plein de fange et de détritus innommables. Çà et là, pourtant, de minces courants de miel circulent dans l'ordure.

Et toutes les existences sont plongées dans ce bourbier. Nous, les humains, nous en avons jusqu'au niveau supérieur de la lèvre inférieure.

L'indifférent, tant à l'ordure qu'au miel, reste sans réaction, comme inconscient !

Un autre ressent bien de la répugnance pour l'ordure, mais il aime le miel, au point d'en rechercher les plus minces filets. Il entrouvre à chaque occasion la bouche avec délice, avalant de la boue en même temps que le miel !

Son voisin, au contraire, aime l'ordure : le voilà qui plonge pour s'en régaler !

Mais, en voici un qui prend brusquement conscience de l'incongruité de la situation. Il « sait » comment échapper au bourbier et veut entraîner tout le monde avec lui, dans un grand élan généreux… Hélas, il ne réussit qu'à agiter la fange en grosses vagues, et… tout le monde en a plein la bouche !

À l'écart, cependant, un homme « un peu sage », doucement, sans faire de vagues, cherche à s'approcher du bord, car il voit sur la berge ceux qui sont sortis lui tendre la main. S'il la prend et se hisse hors du marécage, il peut à son tour (et seulement alors !) aider les autres à sortir du bourbier.

Commentaire :

L'ordure, la fange, c'est la souffrance, la douleur, l'angoisse, les guerres, les massacres, les tortures, les maladies, la mort, l'insatisfaction, les horreurs du monde... Le miel, c'est l'amitié, l'amour, les arts, la beauté des choses...

Ceux qui veulent sortir les autres du bourbier, sans en être sortis eux-mêmes, sont les réformateurs, les politiques, les chefs religieux, les leaders de partis, les « sauveurs » de l'humanité, dont l'action a souvent pour effet d'augmenter la stupidité et le malheur de ceux qu'ils voulaient sauver.

Les « un peu sages » sont celles et ceux qui, entrés dans une « Voie » et y progressant, s'approchent de la rive, « le sans naissance, sans devenir, sans création, sans conditions », l'Absolu, le Transphénoménal, aidés par ceux qui l'ont déjà atteinte. S'ils « ar-rivent », ils pourront à leur tour aider les autres, « Délivré, délivre, passé sur l'autre rive, fais-y passer les autres. » Car ils savent maintenant que tout cela n'est qu'un rêve : bourbier, enlisés, sortis n'ont pas d'existence propre, pas d'essence, pas d'être…

Et ne croyez pas que se trouver dans un courant de miel soit plus favorable : combien d'existences comblées sont malheureuses et finissent par le stupide suicide ! Ce n'est pas le miel d'un moment qui peut faire disparaître l'insatisfaction de la vie phénoménale, l'impermanence, la nostalgie, la satiété, le déclin, la vieillesse, la mort…


(Extrait de l'ouvrage Propos bouddhiques remarquables, publié avec l'aimable autorisation des Editions DHARMA, 60 rue des Moulins - BP 30 - 85580 Saint Michel en l'Herm)


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